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POUCHKINE

L’orage sera tel, que notre tsar Boris ne pourra point conserver sa couronne. Et ce sera justice ! Il nous gouverne à la manière du tsar Ivan — que sa mémoire soit maudite ! — Nous n’avons plus, il est vrai, d’exécutions publiques, et nous ne mourons pas noyés dans le sang ; nous ne sommes pas brûlés sur des bûchers, dont notre tsar lui-même se plaisait à attiser le feu. Mais sommes-nous, pour cela, plus sûrs d’avoir la vie sauve ? La disgrâce nous guette à chaque instant, la prison, les fers ou le couvent nous menacent. Et le gibet nous attend au bout d’un long exil. Où sont tous les boyards de notre illustre noblesse ? Où sont les princes de Sitcsky et de Chestounov ? Où sont les Romanoff, espoir de la patrie ? Morts en exil, au milieu d’affreuses tortures. Encore un peu, et notre tour viendra. Nous sommes chez nous, mais tous entourés de traîtres, de misérables payés pour nous surveiller ; nous dépendons d’un indigne valet ; nos droits n’existent plus, nous ne sommes plus maîtres chez nous. Impossible de chasser un paresseux ; il nous faut le nourrir, contre notre gré, sous peine de disgrâce. Même au temps du tsar Ivan, cela ne s’était vu ! Le peuple est-il content ?