cœur d’une jeune fille. Souvent, retirés tous deux
loin du bruit, le coude appuyé sur une table à jeu,
ils laissent errer leur imagination bien loin du
monde réel, et Lensky, dans ces moments-là, prend
un fou à la place d’un pion.
Rentré chez lui, il ne cesse de s’occuper de sa
chère Olga ; pour elle, il s’ingénie à couvrir de
dessins les feuilles d’un album. Tantôt c’est un
paysage, tantôt une pierre funèbre ou le temple de
Cypris, ou une colombe sur une lyre : il emploie
ses plus riches couleurs, il met en jeu tout son
talent. Quelquefois, il glisse au bas de la signature
un vers mélancolique qui exprime toujours la même
rêverie et le même amour.
Vous devez avoir vu plus d’une fois l’album d’une jeune fille noble de province. Ses amies ont barbouillé les pages depuis le commencement jusqu’à la fin, et, malgré le secours des fautes d’orthographe, elles n’ont pu écrire que des vers sans mesure ; tantôt avec une syllabe de trop, tantôt avec une syllabe de moins, mais toujours en gage d’une amitié fidèle. Sur la première feuille, vous lisez :