Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/132

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toute la nuit à évoquer l’avenir. Elle fit mettre deux ouverts dans la salle de bain. Mais tout-à-coup la frayeur la saisit, — et moi, en songeant au sort de Svétlana, j’avoue que j’ai peur aussi pour ma Tatiana. Il n’y a donc rien à faire ! nous n’interrogerons pas l’avenir ensemble : déjà elle a ôté sa ceinture de soie et s’est déshabillée. — Sous son coussin de plume repose le petit miroir. Le sommeil plane ; tout est calme : Tatiana dort.


Un rêve étrange l’emporte sur ses ailes. Il lui semble marcher au milieu d’un épais brouillard, dans un champ couvert de neige. Devant elle, un torrent écumeux que la glace de l’hiver n’a pu enchaîner, roule avec fracas les sombres tourillons de ses ondes blafardes à travers une montagne de neige. Maintenues par une épaisse couche de glace, deux perches flexibles, jetées en travers du torrent, forment une passerelle tremblante et périlleuse. La jeune fille, arrivée au bord du gouffre mugissant, s’arrête hésitante.


Elle s’irrite de cet obstacle imprévu, elle cherche quelqu’un qui puisse, de l’autre bord, lui tendre la main, et personne ne paraît ! Soudain, des