Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Eh ! qu’importe la loi qui sévère ou clémente
Doit gouverner ces jours qui bientôt vont finir ?
À tous les coups du sort mon âme indifférente,
Dans la peine ou la joie, à jamais veut bénir !

Loi fatale et divine, à jamais sois bénie ;
Tu n’excite en mon cœur ni larme ni regret !
Qu’importera ma mort, et qu’importe ma vie ?
Tout n’est-il pas écrit, tout n’est-il pas bien fait ?

Pressant ses coursiers bleus, bientôt la pâle Aurore
Va répandre un rayon de sa douce clarté,
Et le brillant soleil va se lever encore
Pour dorer l’univers de son disque enflammé.

Et moi ?… Peut-être, alors, sous une froide pierre,
Dans la nuit du cercueil mes os reposeront,
Et sur mon souvenir et sur ma vie entière
Les flots silencieux de l’oubli descendront.

La mémoire du monde est courte et fugitive ;
Mais toi dont la beauté si longtemps m’enivra,
Toi, ne viendras-tu pas sur ma tombe hâtive
Répandre quelques pleurs et te dire : « Il m’aima !

» De ses jours orageux seule j’étais le charme,
» Pendant toute sa vie il fut à mes genoux. »
Viens, ô ma fiancée, ah ! verse cette larme
Sur la cendre de ton époux.


L’âme remplie de tristesse, le jeune poète écri-