vers la prose austère ; les années chassent la rime
aventureuse : et moi, je l’avoue en soupirant, je
sens à mon tour que mon nerf et mon entrain
d’autrefois sont affaiblis. — Ma plume n’a plus son
ancienne légèreté, elle ne remplit plus si rapidement
les feuilles légères. Mon esprit est obsédé de
chimères plus froides, plus graves, plus prosaïques.
J’ai de nouveaux désirs qui ont pris la place des
anciens ; des peines nouvelles qui ont absorbé les
premières. Ô mes illusions passées ! où est maintenant
votre douceur ? Où est ce besoin de chanter
qui dévorait ma jeunesse ? Est-il vraiment possible
que ma couronne d’années soit déjà flétrie ? Est-il
vrai (et je le dis sérieusement cette fois, et non
plus pour faire une élégie), — est-il vrai que le
printemps de mes jours est fini ? est-il vrai qu’il ne
reviendra plus ? est-il vrai que j’aurai bientôt trente
ans ?
Ainsi donc, je touche au midi de ma carrière ; je le vois, je le sens, il n’y a plus à en douter ! Eh bien ! puisqu’il en est ainsi, ô ma brillante jeunesse, reçois mon adieu amical ! Merci pour les jouissances, pour les tristesses, pour les tourments