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Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/209

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Là, vous rencontreriez aussi tel et tel dont la bassesse d’âme est connue. Tenez, voici encore Saint-P***, dont les crayons se sont émoussés sur tous les albums. Celui qui se tient entre les deux portes, muet et immobile, c’est un autre dictateur des bals, une gravure de modes, vermeil comme un chérubin du dimanche des Rameaux. Enfin vous apercevez cet oiseau de passage qui fait rire tout le monde par le soin qu’il prend de paraître toujours mieux qu’il n’est en réalité, et qui n’obtient jamais de l’attention des autres qu’un sourire désapprobateur.

Mais, toute la soirée, mon Onéguine n’a de pensée et de regard que pour Tatiana, non pas Tatiana la petite fille timide, amoureuse, pauvre et simple, mais Tatiana, la princesse indifférente, la déesse inaccessible, la reine fastueuse des bords de la Néva. Fils d’Ève ! vous ressemblez tous à votre mère ! Ce qui vous est donné n’a pour vous nul attrait ; c’est vers le mystère de l’arbre défendu que le serpent vous pousse sans cesse ! C’est ce fruit-là qu’il vous faut ! Sans lui ne vous contenteraient pas les joies mêmes du Ciel !