Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/216

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son attention. C’étaient des traditions mystérieuses du sombre passé, des rêves sans suite, des menaces, des interprétations, des prédictions, une longue histoire d’amour et des lettres de jeunes filles.


Il s’oublie au milieu des divagations de sa pensée et du voile brillant et bariolé que son imagination agite devant ses yeux. Tantôt un jeune homme lui apparaît, étendu sur la neige et comme endormi, et il entend une voix rauque : « Eh bien ! quoi ?… il est tué ! » — Tantôt lui apparaît l’image d’ennemis oubliés depuis longtemps, de calomniateurs, de méchants, de lâches, et un essaim de jeunes traîtresses, et une réunion de vils camarades. Quelquefois aussi une maison de campagne, et, assise auprès de la fenêtre… elle… toujours elle !…


Eugène concentra tellement son existence dans ses souvenirs, qu’il faillit devenir fou ou poète. Avouez, cher lecteur, qu’il est étonnant que mon jeune élève ne se soit pas mis à écrire des vers russes ! Il connaissait si bien les règles et les mesures poétiques !… Il ressemblait tant à un poète,