Page:Pouchkine - Eugène Onéguine, trad. Paul Béesau, 1868.djvu/219

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» J’étais plus jeune alors, et plus belle aussi ; je vous aimais !… Qu’ai-je trouvé dans votre cœur pour répondre à mon amour ? Vous avez été dur et insensible, n’est-il pas vrai ? L’amour d’une humble petite fille ne vous touchait pas ! Et maintenant !… Grand Dieu ! Mon sang se glace lorsque je me rappelle votre regard, votre leçon de morale !… Mais je ne vous accuse pas ; vous avez noblement agi dans cette heure décisive pour moi, et de toute mon âme je vous en suis reconnaissante.


» Alors, n’est-ce pas, dans la solitude, loin du monde et de ses succès, je n’avais aucun charme pour vous. Pourquoi aujourd’hui me suivre partout ? Pourquoi m’offrir votre amour ? Est-ce parce que je figure dans le monde ? Parce que je suis riche et noble, et que mon mari, blessé dans les combats, est l’objet des faveurs de la cour ? Est-ce parce que mon déshonneur serait public et vous apporterait un renom scandaleux ?…


» Je pleure !… Si vous n’avez pas oublié votre Tatiana, sachez qu’elle eût préféré à la démonstration d’une passion qui m’outrage, à vos lettres et à vos larmes, — vos invectives et vos