voiture, et tout le bonheur de ma vie dépend de toi.
– Quoi donc ! dit Pougatcheff, as-tu peur ? »
Je répondis qu’ayant déjà reçu de lui grâce de la vie, j’espérais, non seulement en sa bienveillance, mais encore en son aide.
« Et tu as raison, devant Dieu tu as raison, reprit l’usurpateur. Tu as vu que mes gaillards te regardaient de travers ; encore aujourd’hui, le petit vieux voulait me prouver à toute force que tu es un espion et qu’il fallait te mettre à la torture, puis te pendre. Mais je n’y ai pas consenti, ajouta-t-il en baissant la voix de peur que Savéliitch et le Tatar ne l’entendissent, parce que je me suis souvenu de ton verre de vin et de ton touloup. Tu vois bien que je ne suis pas un buveur de sang, comme le prétend ta confrérie. »
Me rappelant la prise de la forteresse de Bélogorsk je ne crus pas devoir le contredire, et ne répondis mot.
« Que dit-on de moi à Orenbourg ? demanda Pougatcheff après un court silence.
– Mais on dit que tu n’es pas facile à mater. Il faut en convenir, tu nous as donné de la besogne. »
Le visage de l’usurpateur exprima la satisfaction de l’amour-propre.
« Oui, me dit-il d’un air glorieux, je suis un grand guerrier. Connaît-on chez vous, à Orenbourg, la bataille de Iouzeïeff ? Quarante généraux ont été tués, quatre armées faites prisonnières. Crois-tu que le roi de Prusse soit de ma force ? »
La fanfaronnade du brigand me sembla passablement drôle.
« Qu’en penses-tu toi-même ? lui dis-je ; pourrais-tu battre Frédéric ?
– Fédor Fédorovitch ? et pourquoi pas ? Je bats bien vos généraux, et vos généraux l’ont battu. Jusqu’à présent