Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/29

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vêpres, mais la femme du pope l’a défendu ; le pope est allé en visite et les diables sont dans le cimetière.

– Tais-toi, notre oncle, riposta le vagabond ; quand il y aura de la pluie, il y aura des champignons, et quand il y aura des champignons, il y aura une corbeille pour les mettre. Mais maintenant (il cligna de l’œil une seconde fois), remets ta hache derrière ton dos ; le garde forestier se promène. À la santé de Votre Seigneurie ! »

Et, disant ces mots, il prit le verre, fit le signe de la croix et avala d’un trait son eau-de-vie. Puis il me salua et remonta dans la soupente.

Je ne pouvais alors deviner un seul mot de ce jargon de voleur. Ce n’est que dans la suite que je compris qu’ils parlaient des affaires de l’armée du Iaïk, qui venait seulement d’être réduite à l’obéissance après la révolte de 1772. Savéliitch les écoutait parler d’un air fort mécontent et jetait des regards soupçonneux tantôt sur l’hôte, tantôt sur le guide. L’espèce d’auberge où nous nous étions réfugiés se trouvait au beau milieu de la steppe, loin de la route et de toute habitation, et ressemblait beaucoup à un rendez-vous de voleurs. Mais que faire ? On ne pouvait pas même penser à se remettre en route. L’inquiétude de Savéliitch me divertissait beaucoup. Je m’étendis sur un banc ; mon vieux serviteur se décida enfin à monter sur la voûte du poêle ; l’hôte se coucha par terre. Ils se mirent bientôt tous à ronfler, et moi-même je m’endormis comme un mort.

En m’éveillant le lendemain assez tard, je m’aperçus que l’ouragan avait cessé. Le soleil brillait ; la neige s’étendait au loin comme une nappe éblouissante. Déjà les chevaux étaient attelés. Je payai l’hôte, qui me demanda pour mon écot