je me décidai à décacheter, et dès les premières lignes je vis que toute l’affaire était au diable. Voici le contenu de cette lettre :
« Mon fils Piôtr, nous avons reçu le 15 de ce mois la lettre dans laquelle tu nous demandes notre bénédiction paternelle et notre consentement à ton mariage avec Marie Ivanovna, fille Mironoff. Et non seulement je n’ai pas l’intention de te donner ni ma bénédiction ni mon consentement, mais encore j’ai l’intention d’arriver jusqu’à toi et de te bien punir pour tes sottises comme un petit garçon, malgré ton rang d’officier, parce que tu as prouvé que tu n’es pas digne de porter l’épée qui t’a été remise pour la défense de la patrie, et non pour te battre en duel avec des fous de ton espèce. Je vais écrire à l’instant même à André Carlovitch pour le prier de te transférer de la forteresse de Bélogorsk dans quelque endroit encore plus éloigné afin de faire passer ta folie. En apprenant ton duel et ta blessure, ta mère est tombée malade de douleur, et maintenant encore elle est alitée. Qu’adviendra-t-il de toi ? Je prie Dieu qu’il te corrige, quoique je n’ose pas avoir confiance en sa bonté.
« Ton père,
« A. G. »
La lecture de cette lettre éveilla en moi des sentiments divers. Les dures expressions que mon père ne m’avait pas ménagées me blessaient profondément ; le dédain avec lequel il traitait Marie Ivanovna me semblait aussi injuste que malséant ; enfin l’idée d’être renvoyé hors de la forteresse de Bélogorsk m’épouvantait. Mais j’étais surtout chagriné