Page:Pouchkine - La Fille du capitaine, 1901.djvu/87

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Chvabrine se tenait près de moi, examinant l’ennemi avec attention. Les gens qu’on apercevait dans la steppe, voyant sans doute quelques mouvements dans le fort, se réunirent en groupe et parlèrent entre eux. Le commandant ordonna à Ivan Ignatiitch de pointer sur eux le canon, et approcha lui-même la mèche. Le boulet passa en sifflant sur leurs têtes sans leur faire aucun mal. Les cavaliers se dispersèrent aussitôt, en partant au galop, et la steppe devint déserte. En ce moment, parut sur le rempart Vassilissa Iégorovna, suivie de Marie qui n’avait pas voulu la quitter.

« Eh bien, dit la commandante, comment va la bataille ? où est l’ennemi ?

– L’ennemi n’est pas loin, répondit Ivan Kouzmitch ; mais, si Dieu le permet, tout ira bien. Et toi, Macha, as-tu peur ?

– Non, papa, répondit Marie ; j’ai plus peur seule à la maison. »

Elle me jeta un regard, en s’efforçant de sourire. Je serrai vivement la garde de mon épée, en me rappelant que je l’avais reçue la veille de ses mains, comme pour sa défense. Mon cœur brûlait dans ma poitrine ; je me croyais son chevalier ; j’avais soif de lui prouver que j’étais digne de sa confiance, et j’attendais impatiemment le moment décisif.

Tout à coup, débouchant d’une hauteur qui se trouvait à huit verstes de la forteresse, parurent de nouveau des groupes d’hommes à cheval, et bientôt toute la steppe se couvrit de gens armés de lances et de flèches. Parmi eux, vêtu d’un cafetan rouge et le sabre à la main, se distinguait un homme monté sur un cheval blanc. C’était Pougatcheff lui-même. Il s’arrêta, fut entouré, et bientôt, probablement d’après ses ordres, quatre hommes sortirent de la foule, et s’approchèrent au grand galop jusqu’au rempart. Nous reconnûmes