Aller au contenu

Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
20
les lois scélérates de 1893–1894

anarchiste, et que le second était ainsi conçu : les mots « dans un but de propagande anarchiste (inscrits en tête de l’art. 2 et qui gouvernaient l’ensemble de cet article) ne s’appliqueront pas aux provocations ». La Commission qui avait déjà modifié son texte entre les séances des 20 et 21 juillet reçut mission de préparer séance tenante un nouveau texte de l’art. 2 qui conciliât tant bien que mal ces deux dispositions trop peu cohérentes. Un quart d’heure plus tard, elle présentait sans sourciller le projet suivant dont je me permets de recommander la lecture attentive :

Sera déféré aux tribunaux de police correctionnelle et puni… tout individu qui… sera convaincu d’avoir, dans un but de propagande anarchiste :

1o Soit par provocation, soit par apologie des faits spécifiés, incité une ou plusieurs personnes à commettre, soit un vol, soit un crime de pillage, de meurtre…, etc. ;

2o Adressé une provocation à des militaires… dans le but de les détourner de leurs devoirs (sic) et de l’obéissance qu’ils doivent à leurs chefs dans ce qu’ils leur commandent pour l’exécution des lois et règlements militaires (sic) et la défense de la Constitution républicaine, alors même que ce ne serait pas dans un but de propagande anarchiste.

Je n’exagère rien. On trouvera à l’Officiel ce texte extraordinaire, que j’ai même allégé d’incidentes inutiles. Il ne semble pas qu’on ait jamais poussé plus loin l’incohérence et la contradiction. M. Pelletan montait alors à la tribune et déclarait « que non seulement on était en train de voter une loi dont la rédaction serait un défi au bon sens et à la langue française, mais encore qui finirait par ne plus avoir le sens commun ». M. d’Hulst, « en présence du désordre navrant qui règne dans cette délibération », demandait à la Chambre de s’ajourner jusqu’au 25 octobre. La Chambre se séparait dans l’agitation la plus confuse, et l’on pouvait croire la loi menacée. C’était la sixième séance consacrée exclusivement à cette discussion.


VI. — C’est alors que la brutalité commença. Au début de la séance du 23 juillet M. Charles Dupuy, qui ne portait pas