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Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/27

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M. Rouanet, est-ce que vous protesteriez contre lui ? » Une voix au centre répondit : Oui.

Un autre jour, M. de la Porte, en quelques mots, et fort modestement, vint porter à la tribune une objection purement grammaticale. L’art. 2, dit-il, vise les individus qui auront, soit par provocation, soit par apologie des faits spécifiés… C’est là, observa-t-il, une simple faute. On ne peut dire, tout au moins en respectant les règles ordinaires de la grammaire : provocation des faits spécifiés. Le gouvernement décline mal. On devrait dire : soit par provocation aux faits spécifiés, soit par apologie des mêmes faits. Ne modifiez pas votre texte. Mais venez reconnaître votre erreur à la tribune.

Je copie à l’Officiel la réponse du garde des sceaux Guérin :

« Messieurs, je comprends mal, je l’avoue, la question que m’adresse l’honorable M. de la Porte. M. de la Porte demande : Qu’est-ce que la provocation ? Qu’est-ce que l’apologie ?

M. de la Porte. — Ce n’est pas cela du tout !

M. le garde des sceaux. — Je lui réponds : La provocation et l’apologie ce sont les moyens ; le but c’est l’incitation à commettre le crime ou le délit. Dans ces conditions, je le répète, je ne comprends pas la question qui m’est adressée, et je demande à la commission de repousser l’amendement. »

Les circonstances donnent à ces anecdotes une sorte de comique excessif et macabre. Mais dans la double séance du 21 juillet, ce fut presque de la folie. Un amendement Montaut-Brisson vint insérer dans la loi une disposition capitale, puisqu’elle est unique dans nos lois, et qui rendait licites les provocations à la désobéissance des militaires, quand les ordres reçus par eux étaient contraires à la Constitution. On ne peut que louer l’initiative de M. Montaut et le discours de M. Brisson, mais cet amendement, voté malgré le ministère, donnait déjà quelque obscurité au texte de l’art. 2. Immédiatement après, la majorité votait deux amendements de MM. Bertrand et Pourquery de Boisserin, formellement contradictoires, puisque le premier tendait à ne punir les provocations aux militaires que lorsqu’elles avaient un caractère