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Page:Pouget-Les Lois Scélérates de 1893-1894 - 1899.djvu/47

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application des lois d’exception
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chistes. L’une des feuilles était couverte de chiffres paraissant à première vue être des calculs. Mais, en se reportant à la première page du carnet, on découvrit la clef d’un alphabet chiffré et il fut facile de se convaincre que ces prétendus calculs n’étaient autre chose que des formules chimiques analogues à celles que possédait Lardaux. Vautier était en outre détenteur de deux feuilles de papier ; sur l’une était le croquis d’une bombe et en marge l’indication de la manière de la fabriquer et de la charger. L’autre feuille contenait quelques renseignements sur la composition et la nature de l’explosif à charger une bombe.

Convenablement cuisiné, le pauvre Lardaux avoua tout ce qu’on voulut. La terrifique formule d’explosif, il se l’était procurée pour se venger de son beau-père, qui, voulant se débarrasser de lui, affirmait-il, l’avait fait enfermer deux ans et demi dans une maison de correction. Depuis il n’avait pu se remettre à flot et il restait submergé sous une demi-douzaine de condamnations, toutes pour peccadilles de misère.

L’instruction se préoccupa d’abord de faire déterminer la valeur des formules chimiques trouvées sur Lardaux et Vautier. M. Girard, le chef du Laboratoire municipal de Paris, fut chargé de l’expertise. Il prit dans son tiroir son rapport coutumier et il le servit aux magistrats de Laon :

Les différentes formules permettent de préparer des engins explosifs d’une grande puissance… Il y a l’indication d’un engin dangereux, d’une force considérable suffisante pour donner la mort à plusieurs personnes et causer de grands dégâts à l’immeuble où il serait placé… Les substances qui le composent et toutes les indications et les préparations qui figurent en marge du croquis constituent la plancastite de Turpin, substance douée d’une puissance considérable et donnant naissance à des gaz délétères et asphyxiants… Il y a l’énumération des produits employés comme amorces et détonateurs, et les corps indiqués comme produisant l’asphyxie sont tous des poisons extrêmement violents…

À en croire M. Girard, Lardaux et Vautier seraient de petits Turpins. Or, l’acte d’accusation déclare Lardaux « d’une intelligence ordinaire, sans instruction et ne possédant aucune notion de chimie… » D’où, logiquement, impossibilité pour lui d’utiliser les formules dont il fut trouvé porteur. Le rapport de M. Girard se trouve ainsi remis au point par l’acte d’accusation même.