Page:Pouget - Le sabotage, 1911.djvu/29

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par mille et mille procédés, jusqu’à ce que, couché dans la fosse commune, il dorme de son éternel sommeil.

L’intoxication résultante de cette morale est tellement profonde et tellement persistante que des hommes à l’esprit subtil, au raisonnement clair et aigu, en restent cependant contaminés. C’est le cas du citoyen Jaurès, qui, pour condamner le sabotage, a excipé de cette éthique, créée à l’usage des capitalistes. Dans une discussion ouverte au Parlement sur le Syndicalisme, le 11 mai 1907, il déclarait :

Ah ! s’il s’agit de la propagande systématique, méthodique du sabotage, au risque d’être taxé par vous d’un optimisme où il entrerait quelque complaisance pour nous-mêmes, je ne crains pas qu’elle aille bien loin. Elle répugne à toute la nature à toutes les tendances de l’ouvrier…

Et il insistait fort :

Le sabotage, affirmait-il, répugne à la valeur technique de l’ouvrier.

La valeur technique de l’ouvrier, c’est sa vraie richesse ; voilà pourquoi le théoricien, le métaphysicien du syndicalisme, Sorel déclare que, accordât-on au syndicalisme tous les moyens possibles, il en est un qu’il doit s’interdire à lui-même : celui qui risquerait de déprécier, d’humilier dans l’ouvrier cette valeur professionnelle, qui n’est pas seulement sa richesse précaire d’aujourd’hui, mais qui est son titre pour sa souveraineté dans le monde de demain…

Les affirmations de Jaurès, même placées sous l’égide de Sorel, sont tout ce qu’on voudra, — voire de la métaphysique, — hormis la constatation d’une réalité économique.

Où diantre a-t-il rencontré des ouvriers que « toute leur nature et toutes leurs tendances »