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depuis longtemps, sous le nom de Ca’Canny ou Go Canny, mot de patois écossais dont la traduction à peu près exacte qu’on puisse en donner est : « Ne vous foulez pas. »

Un exemple de la puissance persuasive du Go Canny nous est donné par le Musée Social[1] :

En 1889, une grève avait éclaté à Glasgow. Les dockers unionistes avaient demandé une augmentation de salaire de 10 centimes par heure. Les employeurs avaient refusé et fait venir à grand frais, pour les remplacer, un nombre considérable de travailleurs agricoles. Les dockers durent s’avouer vaincus, et ils consentirent à travailler aux mêmes prix qu’auparavant, à condition qu’on renverrait les ouvriers agricoles. Au moment où ils allaient reprendre le travail, leur secrétaire général les rassembla et leur dit :

« Vous allez revenir travailler aujourd’hui aux anciens prix. Les employeurs ont dit et répété qu’ils étaient enchantés des services des ouvriers agricoles qui nous ont remplacés pendant quelques semaines. Nous, nous les avons vus ; nous avons vu qu’ils ne savaient même pas marcher sur un navire, qu’ils laissaient choir la moitié des marchandises qu’ils portaient, bref que deux d’entre eux ne parvenaient pas à faire l’ouvrage d’un de nous. Cependant, les employeurs se déclarent enchantés du travail de ces gens-là ; il n’y a donc qu’à leur en fournir du pareil et à pratiquer le Ca’Canny. Travaillez comme travaillaient les ouvriers agricoles. Seulement, il leur arrivait quelquefois de se laisser tomber à l’eau ; il est inutile que vous en fassiez autant. »

Cette consigne fut exécutée et pendant deux ou trois jours les dockers appliquèrent la politique du Ca’Canny. Au bout de ce temps les employeurs firent venir le secrétaire général et lui dirent de demander

  1. Circulaire no 9, 1896.