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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/105

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IDYLLE SAPHIQUE

— Appuie-toi sur moi, ma mignonne chérie, ma douceur !… Que tu es blanche !

— Oui, tu vois, je n’ai guère de force et il m’en faut pour vivre, car l’amour des hommes tue.

— Et tu es tant aimée !

Ernesta apportait le courrier.

— Veux-tu que je te lise tes lettres ?

— Non, cela passe, vois !…

En effet le rose revenait à ses joues et à ses lèvres.

— Un peu de repos… mon déjeuner et ce sera tout à fait bien. Ne t’inquiète pas de moi.

— Alors, tandis que tu liras, permets-moi d’aller pour un instant dans ta salle de bain. Je prendrai un verre d’eau fraîche, ma gorge brûle, j’ai une soif atroce…

Flossie, en inquiétude, se rendit hâtivement auprès d’Ernesta. Celle-ci répondit à ses questions d’une manière assez rassurante : Madame était très faible. Elle avait beaucoup veillé, et dame ! le sommeil est le principal ; puis elle était capricieuse et gâtée, ne se soignant pas comme elle devrait le faire ; ainsi, depuis des mois et des mois, on ne pouvait pas lui faire avaler de la viande ; avec ça elle lisait beaucoup et pensait trop. Il y en a qui n’ont qu’à poser leur tête sur un oreiller et qui s’endorment, mais elle, ah ! bien oui ! Quelquefois la nuit, très tard, Ernesta voyait encore de la lumière, elle s’approchait sans bruit et trouvait sa maîtresse éveillée, les yeux grands ouverts,