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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/117

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IDYLLE SAPHIQUE

Et égarée elle passait sa main sur son front comme pour en chasser le trouble intérieur.

— Reprenez-vous, madame, lui dit doucement Annhine qui l’observait et l’admirait, car la pauvre créature était radieusement belle. Très blanche, sous une merveilleuse toison noire et ondulée qui l’encadrait de ténèbres, faisant ressortir l’éblouissement de son visage… ses yeux profonds et alanguis avaient une expression lointaine d’au-delà et de souffrance contenue, ils brillaient et se mouraient à la fois, son nez droit et mobile palpitait étrangement. La nacre fine des dents se laissait voir à travers la bouche crispée et invraisemblablement rouge, d’un rouge intense de blessure fraîchement ouverte… Pas une larme ne lui venait, pas un soupir ne s’échappait de sa gorge, mais sa poitrine battait très fort, ses yeux devenaient fous…

En pitié, Annhine vint à elle, l’appuya contre son épaule et lui murmura :

— Je sais, je sais, je devine. Vous êtes son amie, sa petite amie qu’elle a bien aimée et qu’elle délaisse maintenant pour moi… Pauvre petite ! Je vous plains ! Mais… que voulez-vous de moi ?

— De vous ?… De vous ?… Ah ! vous savez ! Ah ! vous me devinez !… et, telle une bête superbe et farouche, Jane se redressa toute, terrible… J’avais donc raison !… Elle allait et venait dans le boudoir, grinçante et hors d’elle-même… Elle vient ici chaque jour ! Tout