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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/122

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IDYLLE SAPHIQUE

— Chut ! chut ! Calmez-vous, lui dit Nhine, apeurée de nouveau. Oui, je vous ai bien dit toute la vérité, écoutez, voici toute notre histoire… Sans aucun détour elle lui conta toute son Idylle avec Flossie… C’est court, voyez-vous, c’est peu de chose, une union d’âme, c’est tout !

— Ah ! que je vous envie cependant ! disait Jane qui avait frémi en écoutant la courtisane… Que je vous envie, ma petite !

Sa voix avait de rudes accents, ce n’était plus la voix plaintive qui implorait tout à l’heure, mais un éclat mâle et presque impérieux.

— Je veux vous protéger, vous garder. Ah ! vous ne savez pas, vous, la volupté des enlacements féminins, l’ardeur des caresses lesbiennes… la douceur endormante des baisers défendus, les réveils en fièvre, en désir de reprises folles… les morsures qui brûlent la peau, les lentes jouissances qui tuent, les cris, les spasmes de deux amantes énamourées et éperdues ! « On s’exténue, on se ranime, on se dévore — et l’on se tue et l’on se plaint et l’on se hait — mais on s’attire encore[ws 1]. » Un poète l’a dit et moi je l’ai vécu ! Ah ! les mortels savent trop attendre l’éveil d’un songe d’amour !… Oublier ? Oui… mais c’est impossible ! Mon sang bout ! Pour oublier il faudrait que je meure ! Ah ! Annhine, douce enfant, pure, oui, pure à côté de nous et malgré vos publics désordres… Oui, je vous envie et je m’incline

devant votre ignorance… Il y a tant de filles,

  1. ndws. Émile Verhaeren L’Amour Les Visages de la vie, Edmond Deman, 1899 (p. 35-38).