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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/13

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IDYLLE SAPHIQUE

mêlé de tristesse !… Alors, je me trouve une pauvre petite bien à plaindre, car mon âme est très bonne et très droite, tu le sais, Tesse, tu me connais. Je suis enfant, j’ai un immense besoin de tendresse, de direction, de protection, et autour de moi je trouve toutes sortes de sentiments, excepté ceux-là qui me seraient si doux ! Amèrement je regrette de vivre… je voudrais n’être qu’une poupée, une brute, tout ce que je parais être, tout ce que je ne suis pas, hélas ! N’ayant pas de but devant moi, le temps s’écoule toujours de même… chaque heure m’apporte une déception, une lassitude, et je me demande pourquoi ?… pourquoi ?… pourquoi tout cela ?…

En l’exaltation de son épanchement, la mignonne créature se jeta dans les bras de son amie et se mit à pousser de gros soupirs.

— Voyons, voyons, Annhine, ma si jolie ! Je ne te reconnais plus ! Tu as certainement une cause à ce chagrin subit et si mal raisonné ?… une peine ?… un caprice contrarié ?

— Non… non… et Annhine secouait nerveusement la tête, non, Tesse, tu ne me comprends pas ! En ce moment, vois-tu, je t’ouvre un coin profond de mon cœur où tout n’est qu’amertume, dégoût… je te parle franchement… en toute intimité… Je souffre de cette vie…

— Et c’est là où tu as tort, Nhinon la belle, car une Courtisane ne doit jamais pleurer, ne doit jamais souffrir. Une Courtisane n’a pas le droit d’être et de