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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/145

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IDYLLE SAPHIQUE

jour, la fatigue des nerfs aidant, tout cela déborde. Elle a des instincts exquis, des mouvements délicieux, mais elle sent trop et, à certains douloureux moments, le creux de sa vie ou plutôt le poids de son existence l’étouffe… elle se raisonne, se mine, se tue…

— Pauvre petite !… Vous avez raison, Altesse, mais je souffre aussi, moi qui l’aime !… Ah ! si j’étais libre, je n’hésiterais pas à l’emmener bien loin, longtemps… à la distraire par de grands voyages vers des pays inconnus.

— Et puis après… ce serait encore et toujours la même chose… le mal est là… et Reine désignait son front, là… dans cette jolie petite tête… Il lui faudrait un but dans la vie, une occupation sérieuse… distraire son cerveau. Nous allons la soigner un peu, physiquement d’abord, et ensuite nous trouverons bien un dérivatif quelconque, allez…

— Vous êtes exquisément bonne, Altesse… et Henri lui prit la main qu’il baisa dévotement. Je vais faire ce que vous m’avez conseillé… rester chez moi pendant vingt-quatre heures, en attente. Un mot au téléphone… pour avoir des nouvelles. Un envoi de fleurs, et c’est tout.

— Trop peut-être… Enfin, grand enfant amoureux, c’est si gentil, que je vous le permets. Au revoir, nous allons passer un instant à la Comédie-Française avec Georges. Êtes-vous des nôtres ?

— Si vous me le permettez et pour une heure encore.