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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/160

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IDYLLE SAPHIQUE

Et le marquis poudré, frisé, joli comme les amours dans son pourpoint de satin blanc à taille, brodé de roses-thé, s’ouvrant sur un gilet de drap d’argent traversé par un large ruban de moire bleu de ciel, le mollet superbe sous le bas de soie bien tiré, la culotte collante moulant les cuisses rondes, le tricorne sous le bras, la main sur le pommeau de l’épée étincelante et damasquinée, sautillait gaiement, le pied finement chaussé de souliers décolletés, vernis, talonné de rouge, et montrait à l’abbé joyeux le chemin du salon où l’on dîne.

— Une prise, l’abbé ?

Et se retournant il lui pinça le nez :

— Ah ! vous faites le mystérieux ! Ah ! ah !… fort bien, mais je saurai tout au dessert.

— Avant le quatrième service, marquis, vous m’aurez dit tous vos péchés.

— La liste en serait trop longue, l’abbé, asseyez-vous en face de moi.

Le petit prêtre galant obéit. Il était idéalement joli avec son costume de velours violet à longues basques tout orfévré de paillettes, le petit rabat perlé de blanc retombant sur le devant du cou, les cheveux à frimas enroulés au-dessus de l’oreille, un manteau plissé court pendait en arrière ainsi qu’une aile sombre ; il prenait des mines contrites, et sa jambe alerte et spirituelle moulée en des bas de soie mauve, brodés d’or, semblait démentir l’austérité de son regard mystiquement baissé.