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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/161

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IDYLLE SAPHIQUE

— Vous m’avez tout l’air d’un petit cachottier, l’abbé !

— Et vous, marquis, d’un terrible paillard !

— Ah ! ah ! c’est mon métier !

— C’est le mien !

— Que c’est donc drôle ! Que c’est donc drôle !

Et le marquis éclata de rire en se donnant une tape formidable sur la cuisse, tandis que l’abbé levait les yeux au ciel en souriant béatement.

— Mangeons, l’abbé.

— Buvons, marquis.

Et ceci, et cela, puis mille autres choses encore ! Le dîner se passa joyeusement. Ernesta servait. À deux nobles seigneurs il fallait une servante accorte. On l’avait vêtue d’une étoffe de soie à ramages sur un fond rose, avec un tablier de taffetas bleu attaché par de petits rubans, un collier de velours noir lui enserrait le cou, et on avait poussé l’exactitude jusqu’à lui poser une mouche sur la joue, un peu au-dessus des lèvres, puis pour ce soir elle répondait au nom d’Elvire.

— Gentille, la soubrette, marquis… et l’abbé clignait de l’œil en désignant Elvire qui servait, souriante, les bras demi-nus et le corsage ouvert.

— Ah ! Ah ! l’abbé, je vous y prends, et nous ne sommes pas encore au dessert !… Attendez un peu, que diable, et pour nous mettre à point contons-nous nos vieux souvenirs. Avec vous je puis être indiscret, vous ne devez rien dire. J’ai choisi cette fille, et le