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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/163

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IDYLLE SAPHIQUE

— Ah ! Les femmes !…

Et le petit abbé leva les yeux au ciel.

— Tais-toi, l’abbé, écoute, tu soupireras ensuite ! Tudieu ! ce vin pétillant me monte à la tête, à moins que ce ne soit le souvenir de la belle Sylvie !… Je disais donc, c’est ça : elle finit par s’éprendre follement de lui qui, de son côté, avait un collage…

— Hum ! Hum !

— Ah ! non !… qui était en servage assidu auprès de la baronne d’Esquintes. Ma Sylvie voulut supplanter cette dernière dans le cœur et dans les bras de l’heureux sire qui lui donna à entendre qu’il ne demandait pas mieux, mais qu’il lui fallait une preuve de son amour, une preuve éclatante et irréfutable. Il lui dit aussi qu’il n’ignorait pas qu’elle m’eût accordé certaines faveurs plutôt intimes. Elle était jalouse et entière, lui voulait l’être aussi et il lui ordonna de me signifier mon congé sans plus tarder. Tout ou rien, de suite ou bien jamais. Nous étions alors au domaine de Ramon-les-Tours, à l’occasion de grandes chasses où le roi devait venir. La Cour était au grand complet, et le soir, après les battues et avant le souper, nous nous retrouvions, certains d’entre nous, les aimés et les heureux, dans une serre qui contournait les vastes galeries du château et prenait issue aux terrasses extérieures des salles de réception. On s’y réunissait sous le couvert de la plus stricte intimité. Nos dames prenaient place sous les verts palmiers et sous les néfliers fleuris, et nous, naturelle-