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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/162

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IDYLLE SAPHIQUE

marquis galant posait son coude sur la table, soutenant son fin menton du poing fermé, car elle ressemblait à ma dernière folie — son regard s’allumait — la comtesse d’Azinval, remarquez… n’est-ce point la même taille ?… Port de tête identique !… Nez gentiment retroussé à la Roxelane, provocant et malin… et ces yeux bleus ! Regardez, l’abbé, ne sont-ce point là les yeux d’azur de ma divine infidèle ?… À ce propos, je vais vous narrer la dernière farce que me joua la cruelle, la perverse. Écoutez bien, l’abbé.

L’abbé secoua les dentelles de sa manchette, puis, écartant sa chaise de la table, il sauta dessus et se plaça à califourchon.

— Je suis tout oreilles, marquis.

— Eh bien, voilà, vous connaissez mon caractère et vous savez combien je suis distrait, mais distrait comme on ne l’est pas. La distraction de ce bon monsieur de La Fontaine était un jeu à côté de la mienne. Figurez-vous que, dans les derniers temps de mon esclavage à ses mignons petits pieds de rose et d’ambre, ma passion flirtait…

— Ah ! non, Flossie, ce mot-là n’existait pas encore,… et Nhine éclata de rire.

— C’est vrai, tu as raison… elle pouffa aussi puis se reprenant : ma maîtresse papillonnait en sourdine avec le beau sire de Grandlieu, cet Hercule ridiculement superbe et stupide… Mais les femmes ! Ah ! les femmes !…