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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/177

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IDYLLE SAPHIQUE

un cercle d’or mat et ciselé assujettissait sur sa tête pensive un voile de gaze blanche, léger, sous lequel transparaissait sa chevelure d’ébène. Elle était noire comme le cœur des humides fleurs d’eau et blanche ainsi que l’opacité de leurs calices endormis. Elle s’approchait, majestueuse et lente, ainsi qu’un beau navire qui enflerait ses voiles… triste et lasse… distraite, comme sourde aux bruits joyeux qui l’entouraient. Elle était là, plus absente que la plus lointaine étoile.

— Oh ! elle est bien belle, cette Riscogny,… dit Flossie. Vois donc, Nhine !

— Le soir, la fatigue ne s’aperçoit pas autant ; dans la journée, tu aurais peur qu’elle ne tombe morte, tellement elle est pâle… À quoi peut-elle donc songer en cette foule ?

Flossie se pencha :

— À quoi ?… À tout ! Aux extases irraisonnées, aux voluptés réelles et éphémères, à la chasteté de l’enlacement suprême où rien ne vous pénètre et où le Rêve ose à peine vous effleurer !… à la sensualité qui vous étreint et vous consume, à l’Amour qui vous tue lentement et vous dévore… et surtout, à l’Au-delà qui flotte tout autour et dont on soulève les voiles dans les abandons fous, immenses, insensés !… Ah ! Nhine ! quelle stupidité que ces groupes corrects et bourgeois, seuls permis ! Que de bestialité dans un couple formé selon les règles impures de l’austère morale ! Vois !… À l’encontre, quelque chose rayonne autour de ces femmes ! Toutes, elles ont une flamme dans le re-