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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/179

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IDYLLE SAPHIQUE

et tu seras le Paradis accompli de mes désirs ! En Tristesse et en Joie, par le Bien et le Mal et la Nuit et le Jour, par la Vie et la Mort, je serai tienne aussi, soumise à ton caprice !… Isolées, incomprises en ce monde aride et sans amour, bafouées par une médiocrité sourde et aveugle, Nhine, que de joies nous seront réservées cependant !… Partons !… Viens !…

Elles se retournèrent vers Dalsace qui souriait à leur égarement :

— Je ne vous disais rien !… C’eût été sacrilège d’oser interrompre mademoiselle. Je vous comprends, beau masque, je comprends tout, moi. Vous avez bien raison de vous aimer, allez ! Pour moi, l’union féminine est du Narcissisme aigu, l’amour de soi poussé à l’excès en la contemplation et l’adoration de sa propre image en celle de l’autre. Et il en résulte quelque chose d’aussi doux que le baiser de la fleur à la fleur, que le contact d’une nuée et d’une autre nuée, que l’impalpabilité de la neige qui se pose et se confond dans l’eau moirée des grands étangs, quelque chose d’aussi suave que l’effleurement de deux ailes de colombes hâtives sous le ciel bleu, d’aussi morbide que le soupir adoucissant les pleurs, que le sanglot qui se mêle à la plainte du désir !… Et vous êtes deux heureuses, deux élues !… Allez !… Fuyez loin de la foule et rentrez en vous-mêmes, unissant vos extases ainsi que vos chevelures en des baisers, en des étreintes, en des bonheurs pervers d’idéa-