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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/18

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IDYLLE SAPHIQUE

Et de ses pieds menus elle tapait fébrilement sur la dépouille d’un superbe tigre qui jonchait le plancher, en répétant d’une voix suppliante et sur l’air des Lampions son refrain de satiété et d’ennui.

Un coup de sonnette l’interrompit, à peine perceptible, très faible, comme si l’inconnu qui se présentait n’avait pas eu le courage ni la force de secouer la bruyante petite machine, n’osant et ne voulant troubler les rêves de douceur et de joie de la courtisane.

— Tiens ! On vient de sonner !… Que m’apportes-tu, timide coup de sonnette ? Une corbeille de fleurs, sans doute, ou une invitation ou bien un écrin ? Un tout petit coup de sonnette, discret… peut-être un pauvre, une demande de secours ?… Peut-être rien du tout ?

— Peut-être ce « nouveau » que tu demandes à si grands cris… prophétisa gravement Tesse.

— Ou plutôt quelque imbécile qui vient nous déranger ! Ça doit être cela… je le devine, je le parierais ! Et je me sens si bien avec toi, en si grande confiance et confidence ce soir… Ah ! mais non ! Je ne veux pas ! Ernesta ! Ernesta !…

Ernesta rentrait.

— Madame, c’est une lettre.

— Je ne la lirai pas aujourd’hui !

— Madame, la personne attend la réponse.

— Tant pis ! Dites-lui qu’elle revienne une autre fois, que je suis occupée très sérieusement, que je…