Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
IDYLLE SAPHIQUE

il me faut de l’amour, de la volupté ! Je suis la femme de feu… Ah ! mais je sais ce qu’une courtisane se doit à elle-même et je ne l’oublie jamais… Je m’amuse, mais en m’enrichissant, car je fais toujours payer le plus chèrement possible le bonheur que je donne, quoique cependant à la suprême minute où je râle : « Je t’aime », je sois sincère toujours… toujours ou presque…

— Alors vous pouvez aller en paix, mon enfant. Il vous sera beaucoup pardonné si vous avez beaucoup aimé…

Nhine pouffait en lui tendant les mains.

Altesse se releva en riant aux éclats :

— C’est vrai, au fond, tout ce que je viens de dire. Ah ! comme je te voudrais telle que je suis, moi ! Plus matérielle, plus vivante, plus résolue, partant plus heureuse ! Étrange petite fleur que tu es, pâlissant sous les rayons trop vifs du soleil et se mourant de ce qui fait vivre les autres : la Terre ! Ton âme prendrait-elle donc sa racine dans une éthérée et lointaine planète ?… Et souffrirais-tu de cet infiniment mystérieux mal d’exil, ici-bas où tout n’est que temps et désirs ?

— Tu es tout plein mignonne et indulgente, Tesse, ma chère chérie, n’exagère rien, mais donne-moi du nouveau… du nouveau ! Pour l’amour de Dieu, du nouveau !… Je n’en puis plus ainsi ! Un bouleversement est devenu indispensable à ma vie ! Il me faut du changement ! Du nouveau ! Du nouveau ! Du nouveau !…