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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/20

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IDYLLE SAPHIQUE

— Est-elle bien mise ?

— Madame, je ne l’ai pas trop examinée, mais elle m’a semblé assez chiquement habillée : une longue redingote beige, un grand chapeau noir à plumes et un superbe boa, de zibeline je crois.

— Recevons-la, veux-tu ?

— Mais oui ! La vie n’est pas si bête, tu vois, enfant gâtée !

— Oui, mais… et Annhine s’esclaffa. J’ai une idée… attends… Tu vas t’étendre sur ma chaise longue, dans les coussins et les couvertures d’hermine, tu vas faire la nonchalante, la fatiguée, tu vas la recevoir, toi, en disant que c’est toi Annhine de Lys. Oh ! si, nous allons rire ! Et moi je serai cachée là, derrière les petits carreaux de la grande baie vitrée… Je la laisserai entr’ouverte et de cette façon j’entendrai et verrai tout. Que ça va être amusant ! Tu veux bien ?… Alors, viens ! Là, allonge-toi… la tête un peu plus penchée. Laisse, que j’arrange tes cheveux… ton mouchoir à la main… c’est bien maintenant, ça va ! Joue bien ton rôle surtout ! Tousse un peu et traîne légèrement la voix !… Au revoir, Nhine, Nhinette, Nhinon ! Faites entrer la miss, Ernesta… baissez les doubles rideaux bleus, allumez la lampe du fond, c’est cela… bonne mise en scène, et prévenez cette audacieuse jeune personne que Mme de Lys est un peu souffrante ! Je me cache dans mon coin et la fête commence !… Allons-y carrément !…