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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/201

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IDYLLE SAPHIQUE

la Paix !… la Paix, sans trêve ni mensonges. À la première résistance du sort je brise ma vie. La page qui me déplaît s’offre, ironique, à mes regards ; sans la tourner, je jette le livre.

Devant la physionomie attristée d’Annhine, elle l’attira et la serra passionnément sur son cœur :

— Ne pense pas, chérie, ne pense pas… Ce sera plus tard, alors que je te sentirai forte et vaillante !

— Tais-toi, Tesse, tu m’impressionnes tant ! car je te sais si fermement résolue… mais non, tu n’as pas encore achevé, ma petite femme en or ! Tu as moi, ma Tesse, ma grande sœur !

Et Nhine se penchait vers elle :

— Et puis, n’en parlons plus, c’est mieux ! Tu es encore là, parmi nous, les fous et les profanes, ris donc et montre-nous le chemin !

— Me suivras-tu, au moins ?…

Nhine ne répondait plus, pensive… elle s’interrogeait elle-même, et n’osait trop fouiller en les replis de son âme tourmentée. Elle voulut réagir :

— Ton chagrin ne se laisse voir en rien de toi, moi qui te connais bien, je puis seule m’en apercevoir, et encore ! À peine, à de rares petites choses… tu ne changes pas, Tesse. Comment me trouves-tu, moi ? Il me semble que je vais mieux, que je reprends, que je reviens…

Elle se tourna toute, se prêtant avec une grâce mutine à l’examen d’Altesse qui la regardait attentivement.

— Toi ? mignonne… eh bien… non ! ce n’est pas