Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/202

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
IDYLLE SAPHIQUE

cela ! Maintenant, la fatigue du voyage, les changements d’air et de régime… tu es moins pâle, c’est évident, tes yeux sont vifs… trop vifs à mon gré… tes traits se tirent… tu ris nerveusement, pour rien… tu pleures vite, tu trépignes, tu t’impatientes à propos de tout… pourtant… elle baissait les yeux, chercheuse… pourtant tu engraisses certainement… tes épaules sont plus fortes, tes seins plus fermes… somme toute tu vas mieux, je crois, oui… Dès notre rentrée en une vie calme et habituelle, tu sentiras tout le bienfait de ce traitement de stimulance antinostalgique.

Annhine fit glisser son peignoir de soie pâle et regarda elle-même sa poitrine qui bombait un peu maintenant, lisse et blanche. Elle sourit, satisfaite, puis dressa le torse :

— Tesse, c’est vrai, j’ai des appas ! Regarde, ma chemise en craque, trop étroite… c’est rond, tâte, tu en auras plein la main… Tâte, chérie, mais tâte donc !…

En une caresse, Altesse palpa la forme délicieuse de la gorge offerte. Nhine poussa un cri et ferma les yeux, puis elle éclata d’un rire strident, saccadé, inextinguible. Elle saisit la main de son amie et l’écrasa contre elle, brutalement, en renversant sa tête raidie ; ses paupières découvraient un regard fixe… et elle riait toujours, secouée des pieds à la tête par un frisson violent. Elle faillit rouler à terre. Altesse la soutint d’un bras, essayant de se dégager