Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
193
IDYLLE SAPHIQUE

sans y parvenir, tant l’effort crispé de l’enfant maintenait sa main sur sa chair tendue. Alors Nhine eût une lueur de conscience, elle esquissa le geste de se lever, mais elle retomba en arrière, sur le dos, et la crise se dessina terrible : des cris, des râles, des coups de pied à droite, à gauche, dans le vide, son crâne sonnait sur la pierre en l’éparpillement des cheveux fous, sa nuque se soulevait heurtée de soubresauts, ses poings fermés battaient l’air pour revenir la meurtrir elle-même. Elle déchira les fines dentelles qui protégeaient encore sa nudité fragile et convulsée, puis elle se sentit lourde, ses yeux se fermèrent, ses dents grincèrent, semblant désirer mordre et elle s’effondra, vaincue, respirant avec peine et par intervalles… enfin des larmes vinrent, bienfaisantes ; elle pleurait tout doucement, sans s’arrêter, presque sans bruit… puis les sanglots éclatèrent, les cris reprirent. Altesse avait appelé Ernesta, à deux elles purent amener Nhine vers son lit, on la dégrafa, on la coucha. La fraîcheur des draps, et l’odeur révulsive de l’éther la calmèrent un peu. Elle s’endormit ainsi, brisée, sans avoir repris son entière connaissance, le visage enfoui dans l’emmêlement doré de sa chevelure avec le petit flacon qu’elle tenait serré sous ses narines. Altesse lui bassinait les tempes et fit préparer un lit auprès du sien, afin de ne pas la quitter. Il fût convenu qu’on ne lui dirait rien de tout ça, mais qu’on aviserait le médecin de Paris. Au petit jour, lorsqu’Altesse