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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/223

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IDYLLE SAPHIQUE

— Irons-nous demain ?

— Certainement, dit Tesse, nous devons avoir une des plus belles loges, près de celle du roi.

Annhine n’en avait guère envie, mais elle songeait que cela distrairait Altesse qui de son côté voulait entraîner Nhine vers cette bruyante réalité pour l’arracher à ses funestes torpeurs. Leurs regards se croisèrent qui les firent se comprendre.

La première, Nhine dit :

— Ça t’amusera-t-il ! Oublieras-tu pour un instant, là, dans cette foule et ce tapage ?

Tesse répondit :

— Personne ne sait aussi bien que moi s’isoler dans la foule.

— Moi, tout çà m’ennuie et m’énerve, reprit Nhine.

— Alors ?

— Alors ?

— Comme tu voudras.

Annhine n’osait l’avouer, mais elle désirait retourner vers Paris, vers Flossie, vers un inconnu de chimères et d’étrangetés qu’elle voulait pénétrer, au prix de n’importe quel désespoir. De son côté. Altesse se mourait de l’envie de revoir son home, son entourage, de contempler, âprement et de près, la ruine de ses joies et de ses bonheurs d’autrefois, l’ambiance désolée dans laquelle elle avait vécu tant d’heures heureuses. En un long silence elles se dirent tout cela à elles-mêmes. Nhine tourna son regard vers Altesse qui la fixait lointaine et absente.