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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/23

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IDYLLE SAPHIQUE

son corps ! Elle pensait, elle analysait, elle avait une imagination vive, un esprit droit, une justesse d’observation très remarquable, dons inutiles, nuisibles, attristants surtout, dans la voie bruyante et endiamantée où sa joliesse et un impérieux besoin de luxe l’avaient lancée avec un tel succès.

Elle choisit son nom dans Dumas… et les échos en retentirent dès ses débuts, ce qui fit qu’elle n’eut presque point d’amies parmi les femmes qui jalousèrent sa grande veine et lui en voulurent sourdement. Une seule cependant, Altesse, courtisane aussi et femme d’un esprit éminemment supérieur, vint à elle. Elles devinrent très intimes. Altesse admirait beaucoup Annhine et, sans arrière-pensée, aimait la mobilité de son caractère, le choix brillant de son entourage ainsi que son étrange manière de vivre. Elle l’aida de ses conseils et lui devint parfois salutaire.

Altesse était alors dans toute sa splendeur, à cet âge où Balzac a su faire universellement apprécier les charmes épanouis de la femme faite. Sa longue chevelure de la nuance ardente, aux rouges reflets striés d’or du pelage des fauves, avait été immortalisée dans un roman sensationnel : La Belle aux cheveux roux. Ses yeux étaient bleus… très clairs, brillant d’un éclat incomparable… sa petite bouche finement arquée, d’ironie spirituelle, faisait penser à la Joconde de Léonard de Vinci. Elle avait un visage