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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/22

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IDYLLE SAPHIQUE

fins et ornés de rares dentelles… elle avait au cou une petite médaille en or… elle était enveloppée dans une chaude et riche peau de chèvre de Mongolie, blanche et soyeuse — une grande dame bien certainement, car de qui Annhine aurait-elle hérité cette fière et majestueuse démarche, ce port de tête admirable et hautain, ces petites attaches de princesse, merveilleusement fines et nerveuses, comme aussi ses mystérieuses idées sur la Vie et sur l’Au-delà, sortes de vagues réminiscences et de lointains souvenirs qui la hantaient, si elle eût réellement été la fille de ces campagnards qui veillèrent sur sa petite enfance ?…

Vers l’âge de quinze ans, Nhinon était venue chercher fortune au hasard de la grande ville, et après les inévitables déboires et l’obscurité de tout commencement elle se trouvait aujourd’hui une des premières de l’En-vue qui s’amuse. Assidue à ses fêtes, à ses parties de plaisir, Paris l’acclamait. Les poètes chantaient sa beauté, les théâtres se l’arrachaient. Le caprice d’un grand seigneur fabuleusement riche couronna son apothéose. Reine de joie, Reine de beauté, Reine de féerie, Reine d’amour, elle semblait passer, inconsciente et joyeuse, suivant sa devise capricieuse : À ma guise ! sans songer à plus. Mais hélas ! Annhine avait une âme, d’où ces heures douloureuses de subite désespérance ! Déséquilibrée, disaient les intimes. Non, le mal était là ! Annhine avait une petite âme qui n’allait pas avec