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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/238

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IDYLLE SAPHIQUE

— Madame était là, oui, dans sa chambre, elle dormait encore.

Rassurée, très doucement, à petits pas comptés, Nhine monta l’escalier et ouvrit avec précaution la porte de la paresseuse. La chambre s’éclairait violemment, car les volets étaient restés ouverts et les rideaux n’étaient pas tirés, mais Altesse ne voyait rien, n’entendait rien, étendue rigide sur son lit, les yeux clos, les paupières gonflées, rougies comme si elle eût pleuré, les traits tirés, nue sur l’amoncellement de ses cheveux défaits, toute blanche sur l’or roux de sa fauve toison, blanche sous l’or éclatant du soleil, blanche ainsi qu’une morte… blanche… inerte… inanimée… Annhine faillit tomber. Un affreux soupçon lui traversa l’esprit, elle s’approcha en criant :

— Tesse !… Tesse !…

Altesse ouvrit les yeux, hagarde et eût un mouvement qu’elle n’acheva pas. Elle revenait à elle, comme une trépassée qui lentement, péniblement, renaîtrait à la vie, regardant tout autour, recherchant en elle-même la cause de son lourd sommeil, rappelant avec effort ses souvenirs endormis… Enfin elle dit d’un ton douloureux :

— Toi ?… Toi !… Ah ! ne me quitte plus ! Ne me quitte plus !

— Non, ma Tesse, non !… Justement je venais te demander conseil. Max me laisse aujourd’hui pour la première fois, il se doit à ses malades, à d’autres