Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
IDYLLE SAPHIQUE

il fallait lui laisser savourer son bonheur dans la plus grande intimité.

— Je resterai ici, chérie. Tu viendras m’y trouver parfois. Va, jouis de la vie qui s’offre à toi, si douce en ce moment. J’ai mon roman, moi aussi !…

Au bout de deux jours, Annhine vint la voir par un soir délicieux et tiède, sous un ciel éclairé, immobile et scintillant, elle était en voiture avec lui, avec son Max… — et de quel accent elle prononçait ce nom ! Son bonheur devenait de jour en jour plus complet, plus grand… mais sa Tesse lui manquait… oui.

— Menteuse !… Et Tesse la menaça du doigt… mais moi aussi, j’ai mon idylle !

Au même instant, Régis apparut à la porte de la serre… tel un spectre appâli, affiné par les rayons fixés de la lune, il produisit une impression de terreur morbide sur l’esprit nerveux d’Annhine qui se prit de tristesse.

— Je ne veux pas vous troubler, dit-il, et il disparut. Huit jours se passèrent sans communication entre les deux amies, puis un matin Nhine se montra, en l’encadrement ensoleillé de la fenêtre :

— C’est moi ! criait-elle, Tesse !… Robert !

Nul ne lui répondit. Un grand silence régnait dans la maison… sa gorge se serra, seraient-ils partis, se demanda-t-elle avec inquiétude… Enfin la domestique vint lui ouvrir :