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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/269

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IDYLLE SAPHIQUE

alors qu’elle venait de se coucher Ernesta lui remit une lettre.

— Il y a aussi des fleurs, madame, de beaux lys rouges.

— Je m’y attendais, pensa Nhine, c’est d’Elle. Mettez ces fleurs en bas, dans le grand salon, pas près de moi… ah ! non !… elles me jetteraient un sort.

Elle eût un instant l’idée et fit le geste de déchirer l’enveloppe sans rien lire, puis étant seule — ah ! quelle terrible chose que la solitude ! — elle voulut se distraire par la prose bizarre de l’étrange enfant :

La vie peut me dire qu’elle est désirable ; désormais, je l’écouterai puisque tu es revenue !… Vers moi… ? pour joie ? pour peine ?… Je ne sais, mais j’ai assez courtisé la Destinée pour qu’elle plaide un peu ma cause avec la Beauté qui ne doit pas être inhumaine envers une qui ne vibre que par elle. Ce que je te dis là a le médiocre mérite d’être vrai : j’errais en somnambule dans un bois peuplé de fantômes, à l’heure adoucissante du crépuscule où tout se transforme. Ennuyé, le ciel perdait ses couleurs. Tout à coup, le soleil couchant darda son ultime regard à travers les Accacias, ces tant blasés qui frissonnaient d’attente. Tournant la tête je te vis et tout en moi s’éveilla soudain sous le magique printemps de ton regard. Pourquoi passas-tu ?… Pourquoi mes yeux quittèrent-ils tes yeux ?… Quelle déception, tu n’étais pas seule ! Doucement tu parlais à un être qui se trouvait à tes côtés, pire qu’un être : un homme !… Toutes les an-