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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/272

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IDYLLE SAPHIQUE

vraies joies, des joies que nul ne saura atteindre… Pourquoi regardes-tu ce qui est près de moi, ce qui m’entoure ? Pourquoi descendre ? Lève les yeux et sens : je suis là, avec toi, et j’y serai éternellement. Ne me verrais-tu pas… Flossie ?… Ne m’entendrais-tu pas ?… Ne me comprendrais-tu pas ?…

Annhine


En écrivant cette lettre, elle se prit à aimer sa pensée vers Flossie, elle se plût à former des projets sur un sentiment qui les unirait. — C’est vrai, raisonnait-elle à demi ébranlée, une amitié très pure, lointaine, qu’on sentirait à soi à travers toute la vie, ce serait doux, gentil, consolant. Il n’y a pas à dire, l’amour est un brutal, l’amour ne dure pas. Si elle veut, si elle accepte, elle sera mon amie ainsi, une petite amie mystérieuse et tendre.

Elle fit porter sa lettre et attendit Maurice. L’heure passée, elle se fit conduire au Bois. Lorsqu’elle revint elle ne trouva rien chez elle, pas un mot de lui, personne n’était venu. Un malaise s’empara d’elle. Pour tromper son attente, elle téléphona chez son couturier afin qu’on lui envoyât des modèles, sa vendeuse. La journée lui sembla longue, insipide ; elle fit demander Altesse qui était justement ; sortie. Vers cinq heures, on lui remit un mot de Maurice, très froid, très sec, dicté par son père sans doute, ça se sentait. On avait surpris leur secret, leur petite intrigue ; il avait dû partir subite-