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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/275

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IDYLLE SAPHIQUE

— Viens !…

Alors Flossie sauta résolument du fiacre. Il faisait sombre, quelques rares passants s’en revenaient dans la largeur déserte de la rue. Elle s’approcha de la fenêtre et tendit les mains. Annhine lui donna les siennes.

— Tiens bien !… dit l’enfant, et, s’arcboutant sur le rebord de pierre, vive et agile, elle franchit le rempart de fer forgé et retomba légèrement dans la pièce, à côté de Nhine.

— Premier obstacle !… fit-elle en se jetant dans ses bras.

— Tais-toi, dit Nhine, on se réveille, on se retrouve, rien ne s’est jamais passé, rien, je ferai ce que tu voudras. Je t’ai appelée pour te revenir plus meurtrie encore, découragée, anéantie. J’ai tout fait pour t’oublier, je pensais être arrivée au but, et c’est alors que tu me reprends, je suis désemparée !

— Ma Nhine, ma douce madone, murmurait Flossie la contemplant extasiée, la frôlant toute… à peine tendrement, comme en crainte de la blesser par un trop réel contact. Je te comprends, je devine ce que tu ne me dis pas… Soyons tout à la joie du revoir, de l’avenir qui s’offre à nous deux. Je savais bien, je sentais bien que tu m’appellerais à toi !…

Ce leur fut une soirée douce qui racheta les anciennes amertumes. Elles s’ouvrirent leur cœur, au plus profond, au plus touché. La Lesbienne pleurait et s’en ressentait comme purifiée, chaste, en désir de mysti-