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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/297

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IDYLLE SAPHIQUE

— Oui ! j’ai bien dit : Il faudra que tu m’aimes double… maintenant.

Interloqué, il la regardait sans répondre.

Elle éclata :

— Idiot, va !… Il y a que je suis enceinte !… Là, as-tu compris ?

— Enceinte ?…

Il la lâcha brusquement et devint blême ; il voulut rire :

— Tu blagues, dit-il, enceinte !… pas possible ?

— Mais si, puisque je te le dis !… Tu crois que je me donnerais la peine de blaguer sur une pareille chose ! Je suis enceinte !… Je suis enceinte !… Je suis enceinte !…

Elle s’assit à l’extrémité de la chaise longue en répétant ces mots âprement, durement :

— Je suis enceinte… et c’est de toi !

Il ne trouvait rien à lui répondre, ne sachant encore s’il devait rire ou se fâcher. Mille choses lui venaient en tête, un cortège inévitable et soudain d’ennuis, de scandales ; une charge, cet enfant ! Quelle tuile !… Était-il bien de lui, seulement ? Il n’osait trop approfondir la fidélité d’Annhine !… Et sa famille à lui ?… le monde ?… Ah ! c’était vraiment ridicule une histoire pareille ! Une farce, bien sûr, une plaisanterie, stupide en tous cas.

Nhine l’observait, le fixait avec un dégoût clairvoyant et insurmontable. Elle voulut aller jusqu’au bout, et, poursuivant très vite :