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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/298

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IDYLLE SAPHIQUE

— Oui, je suis enceinte, mon ami, et de plusieurs mois, — elle exagérait, maintenant, — je te l’avais caché au début voulant en être bien sûre, et c’était ça qui me rendait malade, mon médecin me l’a dit, il était d’accord avec moi pour te préparer cette surprise. Je suis enceinte de toi !… de qui veux-tu que ce soit, d’ailleurs ?… Tu es mon amant, mon amant généreux, adoré, et je ne te trompe pas. Ah ! non !… J’aurais été une criminelle de tromper un homme aussi bon que toi, — elle scandait ses mots, — aussi franc, aussi loyal, aus-si sin-cè-re ! La tuile est pour nous deux, que veux-tu ? Moi je dois l’accepter, mais il faut aussi que tu en aies ta part. Allons, prends-en ton parti, en brave !… — elle se fit mielleuse, — Tu seras heureux, dis, bien heureux d’avoir un petit de moi, de ta chérie, de ta Nhinon ? Un petit de notre amour fervent et partagé !… — et comme il restait muet : — Tu ne dis rien ? Tu fais de doux projets, sans doute ? Des rêves pour notre avenir ?… — À ces mots il releva la tête. — Oui, je dis bien pour notre avenir, pour notre bonheur à nous deux qui sommes tiens. Dis, Henri, que feras-tu ?… Que vas-tu faire pour la famille que l’amour t’a choisie et que l’amour t’a donnée ?… — Abasourdi, il ne prononçait pas une parole. — Tu te tais ?… La joie t’accable ? La joie !… mais parle donc, parle-moi, parle !…

Il baissait les yeux, gêné, évitant son regard, balbu-