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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/31

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IDYLLE SAPHIQUE

visage éploré de l’enfant. Il ne faut pas que vous pleuriez, vous êtes trop gentille.

— Non, Miss, ne pleurez plus, me voici, et brusquement Annhine sortit de sa cachette.

Dans son chagrin le chapeau de la petite visiteuse avait roulé à terre… sa chevelure d’argent se défit et ce fut au travers d’un voile menu et léger comme les fils de la Vierge qu’elle regarda Annhine, la vraie, penchée sur elle, en confusion et en alarmes du fâcheux résultat de sa taquinerie. Dès qu’elle l’eût aperçue, un rayonnement éclaira son visage.

— Ah ! oui ! c’est toi… c’est toi que je voulais voir ! Méchante… c’est bien toi… et avec religion, elle se prosterna devant Annhine, puis elle porta le bas de son peignoir à ses lèvres :

— Ma pauvre petite Miss !… D’abord il faut vous asseoir… venez, et elle voulut la relever pour la conduire à une petite causeuse qui se trouvait au pied de la chaise longue.

— Non… à tes pieds… cruelle !… De gros soupirs la secouaient toute… Et si tu permets…

En un mouvement, elle se débarrassa de son long manteau de drap et apparut délicieusement costumée en page florentin, le maillot de soie grise moulant les formes exquises des jambes graciles, le torse admirablement cambré dans une courte dalmatique de brocart vert tendre orfévré de feuillages en pierreries ; sur le milieu bombé de la poitrine était brodé un lys de perles et d’argent, un grand lys des eaux