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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/30

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IDYLLE SAPHIQUE

ment qui m’a toujours possédée depuis que je me suis sentie sentir et qui me dévore aujourd’hui près de toi, Annhine ! Ne sais-tu pas qu’on peut mettre du sublime dans tout ! Et il me semble qu’en cet instant… à tes pieds… dans ce boudoir où tout pour moi respire le désir et le mystère du charme et de la volupté… parmi le parfum des fleurs, dans le fouillis des soies légères et des transparentes dentelles… il me semble, vois-tu, que j’atteins au plus haut degré le culte de…

Emportée par l’énervante griserie de ses propres paroles, l’étrange enfant avait peu à peu levé l’émail bleu de ses yeux… oubliant son embarras de la première minute ; maintenant elle regardait fixement Altesse en une pose extatique d’adoration… Tout d’un coup, elle parut étonnée d’abord, puis déconcertée… enfin déçue… sa tête retomba sur les coussins fleuris et elle murmura dans un sanglot :

— Ah ! on m’a trompée ! Ce n’est pas toi ! Ce n’est pas toi ! Ce n’est pas toi !

— Comment donc ? interrogea Tesse, amusée.

— Non ! Non ! ce n’est pas toi, Annhine ! Où suis-je ? Pourquoi m’a-t-on trompée ? Ayez pitié… ayez pitié de moi !

Elle suppliait tandis que de grosses larmes roulaient de ses yeux.

— Allons, ma petite Miss, ne pleurez pas, voyons, il ne faut pas vous désoler ainsi, et, avec un geste charmant, Altesse se redressait, attirant vers elle le