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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/313

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IDYLLE SAPHIQUE

vers Annhine qui, riante, contente et malicieuse, était ravie de leur délicieux stratagème qui avait si bien réussi. La tête lui tournait un peu d’avoir vu tant de monde. Elle s’étendit ;

— Prends ma main, Floss, et parle-moi.

Alors ce fut une étrange mélopée. La voix tendrement caressante de Flossie la berçait doucement :

— Des joies sans fin, disait-elle, à nous deux, — puis, soudain inquiète, elle l’interrogea :

— Ma Nhine, dis-moi, as-tu bien reçu mes lettres, mes fleurs ?… Je suis venue ici plusieurs fois par jour. Le matin très tôt, et le soir aussi, la nuit. On ne voulait rien me dire de toi. Je savais seulement que tu allais mieux et que tu devais sortir bientôt. On me refusait ta porte, on m’évinçait, chaque fois je me heurtais à la sévérité d’une barbare consigne. Alors, tout d’un coup, j’ai pris peur… peur qu’on ne t’emmenât brusquement, très loin de moi, sans que je sache où.

Puis elle reprocha :

— Et rien de toi !… pas un mot !

Tristement, plaintive, Annhine ouvrit ses mains pâles et amaigries :

— Moi ?… Ah ! ma pauvre chérie, mais je n’ai plus même la force de tenir une plume !… Ah ! j’ai bien cru que tout était fini, va… mais, maintenant, c’est heureusement passé, ce vilain rêve !… Alors, tu as pensé à moi, beaucoup ?… souvent ?…