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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/335

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IDYLLE SAPHIQUE

La gravure d’un portrait de Maud Gonne était fichée dans une glace, et d’autres, d’autres encore : Myrrhille de Neiges, en page florentin de sveltesse fine, tenait dans un gracieux enlacement une affreuse fille de ballet ; Hading, intense, les yeux pénétrants, la tête appuyée, paraissait vouloir hypnotiser ou pétrir l’entière humanité, regard superbe de tigresse qui médite. Puis des amies, rigides en leurs toilettes de bal, invariablement vêtues de blanc satin ; Otero, dans un fouillis de tulle, montrait les plus jolis diamants du monde ; Cavalieri, en une pose courbée, profilait son buste dévêtu ; Germaine Gallois se cambrait, souriant au public entassé, sûre de l’effet de son impeccabilité et de ses charmes épanouis. Cet amas de photos avait un but, tout simplement celui de permettre à Miss Flossie la possession ouverte de l’image de sa Bien-Aimée qui s’apercevait partout. Il y avait des Nhinon de tous genres, des Nhinon de tous styles, d’innombrables Nhinon, et c’était la joie de l’étrange fille d’être ainsi entourée d’un choix de ces jolies reproductions qui illustraient si bien ses rêveries. Elle aimait à les regarder longuement, n’accordant d’attention qu’à elles, ayant entassé les autres, avec un choix cependant des plus jolies, à cause de sa famille qui ne voyait là-dedans qu’une innocente et compréhensible manie de collectionneuse.

Avant de se risquer dans la rue, Florence voulut téléphoner à Passy pour avoir des nouvelles de la