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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/44

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IDYLLE SAPHIQUE

qui passe et fuit devant nous, et nous courons après attirés par lui, en désir de l’atteindre et de le fixer. Il nous reste aux doigts un peu de brillante poussière… des cendres… des miettes… plus rien… rien… !

— Le bonheur n’existe pas.

— Si, près de toi. Ah ! que ma pensée se fasse voix qui te parvienne et te touche !

Elles se turent.

— Mais tu dois prendre ton bain, j’ai entendu… viens, veux-tu, et je te servirai.

— Oui, ce sera gentil.

Et Nhinon amusée, réconfortée, rejetant loin d’elle couvertures et draps, se dirigea joyeuse vers la salle de bain contigüe à sa chambre à coucher.

— Laissez-nous, Ernesta, et ne nous dérangez sous aucun prétexte.

La salle de bain était une petite merveille… en stuc blanc et du plus pur style Louis XV ainsi que tout l’hôtel. C’était une pièce octogone, très large, éclairée par une haute fenêtre aux petites vitres carrées et à biseau voilées par un rideau de soie pâlement bleue. Pour arriver à la fenêtre il fallait, ainsi qu’autrefois, monter quatre ou cinq marches de chêne clair et ciré… Au mur tout autour étaient suspendues des glaces de Venise qui encadraient en un rayonnement jaloux la frêle nudité de Vénus-Annhine-Dyomène !

Une seule aquarelle tranchait sur le miroitement des reflets : une femme nue, Altesse, en une pose ra-