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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/45

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IDYLLE SAPHIQUE

dieuse de formes, caprice unique de son amant, peintre fameux et célèbre des guerroyantes équipées, des chevauchées et des batailles, qui avait voulu la fixer un jour en l’émerveillement de sa chair nacrée, l’or fauve de sa chevelure se déroulant splendide sur son Impeccabilité que la fantaisie de l’artiste avait voulu chausser de longs bas bleus… puis à terre un tapis unique de la Savonnerie très épais et aux teintes fanées sur lequel s’étalait un ours, blanc et soyeux ; un canapé en forme de bateau était recouvert d’une riche et luisante peau de loutre… une chauffeuse de soie ancienne… mille coussins de couleur douce et de soie légère gisaient pêle-mêle au hasard du désir… devant la cheminée en marbre de Carrare où pétillait un feu joyeux se trouvait une petite table surchargée de ces indispensables bibelots anglais contenant le porto, les biscuits, et les vins de Coca réparateurs des forces… pas de tableaux ni de saxes, mais la statue de la Fortune de Franceschi qui s’allongeait dans un coin gracieuse et symbolique sur sa blanche roue ailée, le pied provocant et mutin, l’attitude fière et emportée. De grands rideaux de mousseline brodée et ajourée sur un soyeux dessous bleu de ciel complétaient l’élégance de cet ameublement de rêve… puis enfin, montée sur un pied d’or, incrustée de turquoises pâlies, en cristal tors, la baignoire apparaissait au fond, illuminée de mille feux, comme une coupe précieuse et transparente destinée à contenir